Chronique, Professionnel

Parlez-en en mal, parlez-en bien, mais parlez-en!

Disons-le haut et fort : le Québec est plongé dans une crise bien réelle. Un hiver qui s’éternise, une campagne électorale qui a élu un gouvernement pour lequel 58 % de la population n’a pas voté, un taux de chômage qui, suivant en cela les tendances de tout l’Occident industrialisé, ne fait que grimper en flèche. Et qui dit chômage dit recherche d’emploi… mais où sont-elles ces carrières? Où sont-ils tous ces jobs payants et gratifiants qu’on nous fait miroiter depuis si longtemps? De plus en plus d’entreprises, inquiètes des lendemains qu’on nous annonce à plein journaux, n’embauchent pas. Elles n’ont plus les moyens de prendre des risques. Par contre, elles n’hésitent pas à faire appel aux services des agences. Alors parlons un peu de ces dites agences…

Saviez-vous que les agences de placement gonflent leur banque de candidatures à l’aide de fausses publicités? « Vous cherchez une carrière? Nous voulons vous rencontrer! Communiquez avec l’un de nos conseillers au numéro… ». Un chômeur désespéré communiquera sans hésitation avec ledit conseiller. Du coup, il augmentera les statistiques de l’entreprise : « nous comptons x centaines de clients satisfaits ».  Puis d’autres, et d’autres encore, se feront prendre au jeu.

 Le processus débutera généralement par un entretien téléphonique. On veut s’assurer de détails comme la qualité de votre diction… et parfois même de votre accent. S’ensuivra une rencontre pour valider que votre physique rejoint les critères de présentation, ou les exigences spécifiques de certains clients. Bien sûr, ce n’est pas ainsi qu’on vous présentera la chose car, vous pourriez, avec raison, vous en offusquer, mais c’est néanmoins de cette manière qu’on agit. Puis, selon le niveau et le type d’emploi postulé, vous devrez vous soumettre à une batterie de tests pour valider vos compétences, que vous soyez bachelier ou collégien.

Et alors, direz-vous, qu’importe tout cela si j’ai un emploi? Hélas, votre désillusion risque d’être totale. Vous finirez sans doute par vous voir attribué un poste à l’essai dans une entreprise, souvent une micro entreprise, que ces agences auront choisie pour vous : ils auront fait tous les choix à votre place. Pourquoi? C’est simple, l’emploi qui vous intéressait au départ comptait déjà une quinzaine de candidats, tous en processus final et, bien sûr, la conseillère le savait avant même de vous avoir rencontré.

Or, il reste toujours les postes « bouche-trou » à combler… Et vous êtes le meilleur candidat pour ces postes. D’ailleurs, pour ces agences tous les postes doivent être comblés et leurs CRH (conseillers en ressources humaines) se livrent à d’importants duels dans leur course aux commissions. Connaissez-vous le salaire d’un CRH? Rajoutez à ce montant une petite commission et vous payez leurs prochaines vacances dans le sud! Ils ont été formés afin de devenir de grands acteurs pour vous vendre du rêve et s’enrichir sur votre dos.

Certainement que votre dossier demeurera longuement dans leur banque de candidatures. Ils vous inviteront à communiquer avec eux lorsqu’un autre de leurs navets saura capter votre attention. Vous êtes dans le cercle, le plus vicieux d’antre tous, duquel il n’y a qu’un seul gagnant : l’agence de placement.

Vous êtes un chômeur désespéré? Allez-y, faites comme plein d’autres, et livrez-vous aux agences de placement. Celles-ci vous attendent pour déguster votre désarroi, et nourrir leurs profits. 

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Putain!

Rien à voir avec une œuvre de Nelly Arcan, mais beaucoup avec le dernier jugement de la Cour suprême du Canada. Inconstitutionnel que d’interdire de solliciter. Inconstitutionnelle aussi l’interdiction de tenir une maison de débauche. Inconstitutionnel également de sévir contre le proxénétisme. En soi, cela n’a rien d’étonnant. C’est un jugement tout à fait conforme à la Charte canadienne des droits et libertés – si chère tout d’un coup à Mme Mourani – et qu’on ne peut qu’applaudir tant il respecte l’esprit des lois qui ont édifié ce pays. Ce qui étonne davantage, ce sont les raisons qui ont mené ce dossier, simple à l’évidence, devant le plus haut tribunal du pays.

Étonnamment, la religion, encore une fois, y joue un rôle. Non pas l’islam ou le judaïsme, mais la religion de notre gouvernement fédéral : le protestantisme anglican d’abord – une Église dont le chef suprême n’est nulle autre que sa majesté Élizabeth II, reine d’Angleterre – et ensuite sa frange plus radicale, l’église presbytérienne orthodoxe en tête, où se retrouvent entre autre ces « Born Again Christians », grands défenseurs de théories aussi loufoques que le créationnisme, qui pullulent actuellement à la  Chambre des Communes.

Les dogmes religieux sur lesquels s’appuient les croyances d’une grande majorité de nos élus conservateurs à Ottawa s’inspirent de comportements remontant parfois au XVIIe siècle ainsi que sur une lecture primaire et une interprétation quasi littérale de la Bible. Les découvertes scientifiques sont subjuguées aux mythes religieux, et la raison cède souvent le pas à l’illumination mystique. Dans ce contexte, la femme est la propriété de l’homme qui a, sur elle, pleine autorité. Le rôle de la femme devient alors essentiellement biologique et ce sont ses fonctions reproductrices qui sont valorisées. On remet en question l’avortement qui annihile cette fonction reproductrice, et on bannit la prostitution qui, d’une certaine façon, permet à la femme de déterminer elle-même le rôle qu’elle accorde à son corps en plus de détourner les « honnêtes hommes » de leur devoir conjugal.

On a beau essayer d’argumenter que les lois qui interdisent la prostitution protègent d’abord les femmes, qu’elles empêchent les abus contre celles-ci, qu’elles mettent les mineures à l’abri du vice. On a beau tout tenter actuellement pour justifier qu’on vote rapidement d’autres lois qui contourneront ce jugement de la Cour suprême et criminaliseront à nouveau le «commerce de la chair », cette rhétorique ne tient pas et sonne faux d’un bout à l’autre. En fait, la seule véritable motivation de tous ces députés et ministres « bien-pensants » est de réguler, dans une perspective toute masculine, la manière dont les femmes peuvent disposer de leur corps. Pour empêcher le commerce avilissant des êtres humains, il y a déjà des lois. Pour sévir contre l’abus d’enfants, il y a également des lois. Pour punir l’esclavage aussi. Mais l’objectif n’est pas là. Ce que veut le gouvernement, c’est lutter contre le « péché » et encadrer le plaisir, surtout quand celui-ci est géré par des femmes qui se permettent souvent d’atteindre ainsi une plus grande autonomie.

Nous nous sommes donné des lois, au Canada comme au Québec, qui protègent adéquatement nos droits et libertés. Il est bon que des juges, confrontés à leur interprétation, n’aient pu faire autrement que de rappeler au gouvernement Harper que celui-ci ne pouvait, sans changements constitutionnels majeurs, aliéner ces droits.

Ça risque de parler fort dans les temples protestants au cours des prochains jours!

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Médias et corruption : collusion?

Rares sont les villes de 400 000 habitants et plus qui n’ont ni journal quotidien, ni poste de radio, ni station de télé. On chercherait partout qu’on aurait du mal à trouver. Mais il y a Laval. Et si on pousse vers le nord cet arrondissement de manière à couvrir vingt kilomètres, on sombre littéralement dans le tiers-monde de l’information. C’est une zone où habitent plus d’un million de personnes qui sont ainsi totalement dépourvues sur le plan médiatique. De Laval à St-Jérôme, de Deux-Montagnes à Terrebonne, rien d’autres que les feuilles de chou hebdomadaires, généralement de Québecor, totalement dépendantes des administrations locales et des chambres de commerce, dépourvues de vrais journalistes, et où les représentants qui vendent la publicité sont souvent les mêmes qui contrôlent la nouvelle. Ce n’est pas un hasard si les scandales politiques et administratifs de St-Jérôme, Boisbriand, Mascouche ou Laval ont pu couver, sans être dérangés, pendant toutes ces années. Plein de gens étaient au courant, mais les médias locaux ne s’en mêlaient pas tandis que les médias nationaux ne s’y intéressaient que de loin en loin, et plutôt peu que trop.

2013 était une année d’élections municipales au Québec. Des élections d’autant plus importantes qu’elles se déroulaient dans un contexte d’enquêtes pour débusquer fraudeurs et malfaiteurs dans l’espoir de freiner cette corruption qui gangrène nos administrations et paralyse notre évolution en tant que peuple. Les enjeux étaient considérables. On aurait pu croire que les médias étaient pour suivre adéquatement les candidats, analyser les programmes des équipes, publier des sondages. Mais non! On parlait des banlieues quand il y avait des arrestations de maires ou d’autres politiciens ou administrateurs corrompus, mais quasiment rien quant aux projets politiques qui s’amorçaient pour donner un nouveau souffle à ces villes. Rien non plus, à part quelques insignifiances, sur ceux qui se proposaient de défendre ces projets en se portant candidats à l’élection du 3 novembre. La Presse, Le Journal de Montréal, Le Devoir, Radio-Canada, TVA et la radio privée couvraient tout ce qui respirait politique à Montréal, mais rien, ou presque, sur ce qui se passait 200 mètres plus loin, de l’autre côté du pont.

Ce n’est pas pour rien que la vraie corruption, la vraie collusion, c’est dans les banlieues qu’on la retrouve.

De tout temps, le rêve du malfaiteur a été d’être près de l’action tout en étant à l’abri des regards. Où se cachent donc les mafieux, trafiquants et autres corrompus de notre belle société? À l’abri des médias, dans leurs somptueux bungalows de Ste-Dorothée ou de Duvernay à Laval, à Candiac, à Terrebonne, à Mascouche ou à Ste-Anne-des Plaines… Près de leur marché primaire, la grande ville, et loin de l’œil des caméras et des micros des journalistes. L’aristocratie criminelle a déserté Saraguay, St-Léonard et Rivière-des-Prairies pour se mettre à l’abri des médias. Il a suffi de traverser une rivière pour échapper aux regards. Une « disparition » qui bénéficie de toute la complaisance des médias, de toute la complicité des journalistes, soi-disant là pour nous informer.

On aurait pu espérer que le vent de pureté qui balaie le Québec depuis l’époque où Macleans nous qualifiait de province la plus corrompue au Canada atteigne aussi les médias, souvent notre seule source d’information qui nous permette de nous indigner et de réagir en conséquence, mais c’était nourrir trop d’espoir. La poussière retombe doucement sur les banlieues. Déjà les rumeurs courent à l’effet que la corruption se réorganise. Personne ne s’étonne plus que bien des fraudeurs allégués ou avoués, des voleurs et des organisateurs de stratagèmes malhonnêtes et illégaux soient encore en liberté, ne paraissant nullement ennuyés, leur réputation à peine entachée. En fait, personne n’en parle, faute d’information, faute des médias. Et personne ne suit plus qu’avant la politique locale, mère de tous les vices, puisqu’aucun média n’en parle. On attend sans doute la prochaine enquête publique et sa vague d’arrestation, dans vingt-cinq ans.

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Célébration, Chronique

Party de bureau

C’est la saison. Tout le monde l’attend. Toutes et tous en rêvent, pour le meilleur ou le pire. Il y a ceux qui le haïssent, ceux qui en raffolent, puis ceux qui le préparent. Ceux-ci sont généralement les membres du comité social, ou encore ils font partie de l’équipe des ressources humaines. Ces dernières années, des firmes spécialisées en organisation d’événements offrent même de tout planifier, réserver et animer en fonction du nombre d’invités et du budget. Souvent, cela inclut même le véhicule nolisé pour ramener les fêtards à la maison, leur évitant l’angoisse des barrages policiers, le recours à Nez Rouge, ou pire, l’accident.

Il faut s’y préparer. Ariane, la réceptionniste, a dépensé son salaire d’une semaine pour le pantalon Burberry qu’elle a choisi pour cette occasion. Et encore, c’est trois fois moins que pour les chaussures « Sofia Etoile » de Gucci, vertigineusement hautes, qu’elle porte avec la dextérité d’une équilibriste. Alexis, un des représentants des ventes, a consacré l’essentiel de son bonus de fin d’année pour se payer son complet noir finement rayé signé Dolce & Gabbana. Et c’est sans compter ce que lui a coûté son épilation complète. Naya, la très réservée technicienne en informatique, une musulmane pratiquante, a tout misé sur l’impact d’un pull brodé bordé de lapin qu’elle a enfilé sur un bustier provocant de la collection Victoria’s Secret. Nancy, l’adjointe administrative divorcée depuis peu, a même confié à une collègue s’être fait refaire les seins, deux tailles de bonnets de plus, pour l’occasion. « J’espère juste qu’ils auront retrouvé toute leur sensibilité d’ici là! » lui a-t-elle dit. Dans tous les bureaux, c’est l’opération « Grande Séduction » qui est en cours. À coup de visites chez le coiffeur, l’esthéticienne, et d’interminables séances d’essayages dans une aussi interminable liste de boutiques.

Même si les spécialistes de l’ordre établi professionnel conseillent unanimement de se tenir sage pendant le party de bureau, tous les employés savent intuitivement qu’il peut être utile et même avantageux de se compromettre, même si, pour certains, les lendemains peuvent être parfois difficiles. C’est quand même là une belle occasion, pour les uns de séduire une personne qui nous attire en secret, parfois depuis des mois, pour les autres de se faire remarquer des patrons dans la perspective d’une éventuelle promotion. Le pactole, c’est de réussir les deux d’un coup, pourvu que le patron puisse être attirant, ce qui est souvent le cas après quelques verres de punch ou un joint grillé à la hâte dans l’auto du comptable.

Le secret des abus réussis réside dans le contrôle des dommages. Peu importe ce que je ferai, je ne dois jamais en laisser de traces irréfutables et, moins encore, indésirables. Avec les appareils photos intégrés à tous les portables, il faut d’abord se méfier des photos et bouts de film qu’on retrouvera plus tard sur le net. Nos seins et nos fesses peuvent être d’un effet parfaitement acceptable pour le ou la collègue aussi saoul que nous le soir du party, mais les contempler sur plein de profils Facebook le lendemain aura des conséquences moins intéressantes et pourra susciter des discussions pénibles avec un conjoint un peu tatillon. Même chose pour ces photos toujours amusantes – pour les autres – de notre face blême penchée au-dessus de la cuvette des toilettes. On évite.

Prudence aussi sur d’autres plans : si la torride partie de jambes en l’air qui a suivi la soirée peut avoir sur l’autre personne un effet très positif quant à nos possibilités d’avancement, il en sera tout autrement quand viendra le moment d’aborder la question de l’avortement… ou de la MTS que nous aurons chopée. Après toute l’énergie mise dans l’opération, ne soyons pas contre-productifs.

En conclusion, le party de bureau, c’est comme la loterie. Beaucoup y jouent, plusieurs y gagnent,  parfois même le gros lot. Certains sont moins chanceux – ou juste moins habiles. Sachons éviter les gros ennuis. Profitons-en, plongeons loin et amusons-nous!

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Perception

Le baiser et le fusil

Une autre invasion armée dans une école secondaire du Colorado, aux États-Unis. Quelques blessés seulement, mais le tireur, lui, s’est enlevé la vie. Ça s’est passé dans le même état où a déjà eu lieu le tristement célèbre massacre de Columbine, et à quelques kilomètres du cinéma où, en 2012, un tireur fou abattait 12 personnes pendant une projection de Batman. À peine 2 jours de cela, on célébrait le premier anniversaire de la tuerie de Newtown, Connecticut, où un déséquilibré amateur d’armes et d’histoires de tueurs en série massacrait élèves et professeurs dans la petite école primaire Sandy Hook.

L’an dernier seulement, 30 000 personnes sont décédées par arme à feu dans ce pays qui compte 300 000 000 armes de ce type en circulation.

Dans ce même Colorado, à Canon City, une direction d’école décidait il y a quelques jours de suspendre un élève de 6 ans. Le motif? Il a embrassé sur la main une camarade de classe. C’était la deuxième fois qu’on surprenait l’élève de 1ère année à avoir semblable comportement. Cette fois, c’en était trop. Il a été accusé de harcèlement sexuel et suspendu. Le responsable du district scolaire a expliqué aux médias qu’il était important qu’on agisse fermement face à ces « touchers non désirés ».

Trente mille personnes décédées par arme à feu. Un enfant de six ans suspendu pour harcèlement sexuel. Et s’il y avait un rapport?

Plusieurs sociologues l’ont souligné, la relation des Américains à la sexualité est puérile. On a l’impression que ce pays qui a popularisé la pornographie à grande échelle est incapable d’atteindre sa maturité sexuelle. Les USA fantasment sur une sexualité hypertrophiée que les producteurs d’Hollywood et d’ailleurs leur offrent à coup de seins siliconés géants, de gorges ultra-profondes, de godemichets invraisemblables et de pénis surdimensionnés qu’on enfonce dans des orifices les plus étroits possible. Une sexualité primaire, brutale, immature. Une sexualité fétichiste où l’artifice et le rêvé remplacent le réel et le vécu. Une sexualité qui s’accomplit selon des standards et des rites qui échappent à l’humain moyen, mais dont celui-ci rêve jusqu’à en faire des cauchemars dans un pays de plus en plus excessif dans ses démonstrations virtuelles, mais de moins en moins tolérant dans la réalité de ses pratiques.

Il n’est pas nécessaire de déterrer Freud pour comprendre que le la relation entre l’Américain et les armes est une relation empreinte de cette sexualité mal intériorisée et non assumée. Aucun acteur de porno ne peut éjaculer plus loin que l’Américain armé d’un pistolet automatique. Aucun ne peut prétendre défoncer sa conquête aussi bien que celui qui lui enfile quelques balles de son fusil mitrailleur. Personne ne peut prétendre dominer ses partenaires aussi complètement que celui qui voit les corps inertes allongés devant lui, à jamais incapable de lui résister. C’est l’orgasme ultime garanti, celui dont on rêve en secret en s’abreuvant de contes pornos « pour adultes », inconsciemment furieux et à jamais frustré d’avoir été étiqueté « délinquant sexuel » à six ans parce qu’on a fait un bisou à sa copine de classe.

Le rapport entre la violence, surtout celle par les armes, et la sexualité refoulée a déjà fait l’objet de nombreux écrits. Il faudrait maintenant qu’on s’en inspire pour repenser les rapports humains au pays de l’oncle Sam.

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Perception

Question de valeurs

« Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas » (citation attribuée à André Malraux)

Je n’ai pas encore parlé de LA CHARTE. Je l’écris en majuscules parce que cela correspond à l’importance que le sujet a prise ici. Il s’agit, bien sûr, de ce qu’on a qualifié, selon le moment, de charte des valeurs québécoises ou de charte de la laïcité – le rapport entre les deux appellations  n’étant d’ailleurs pas évident. Mais en écrivant « LA CHARTE », je suis certaine d’être comprise.

Que d’encre elle a fait couler, que d’ondes elle a occupées, que de mots et de maux lui a-t-on associés… Elle n’était pas encore rédigée que déjà on lui attribuait les pires intentions, ou les meilleures : résurgence du nazisme pour les uns, calque de l’apartheid pour d’autres, panacée à l’harmonie sociale pour plusieurs. Tous les groupes de pression sont montés au front pour nous convaincre de la condamner ou d’y adhérer, selon leurs affiliations politiques, religieuses, ou politico-religieuses car, dans certains cas, les deux se confondent allègrement et honteusement.

Gardons d’abord à l’esprit que « LA CHARTE » n’est pas un projet religieux, mais un projet politique. Elle vise à assurer la laïcité de l’état québécois et la démonstration de ce fait dans les services offerts à la population : l’administration publique, la santé, l’éducation et la sécurité publique. Quand on entend des gens dire que « LA CHARTE » vise à restreindre les droits de pratique de certaines religions, on nage donc en plein délire paranoïaque. « LA CHARTE » n’interpelle même pas cette question. Rien, dans ce projet, n’interdit quoi que ce soit dans la vie privée ou dans l’espace public. Le port du kirpan, du crucifix, du tchador ou de la kippa reste tout à fait permis. En privé comme en public. Seule restriction amenée par « LA CHARTE » : sauf pour les employés de l’état dans l’exercice de leurs fonctions. Soulignons qu’aucune religion n’oblige, dans le cadre de sa pratique, le port de tels signes dans le contexte de l’exercice d’une profession. En quoi « LA CHARTE » brime-t-elle donc la liberté de religion? L’affirmer est aussi faux qu’exagéré.

On a dit des choses étonnantes dans le cadre du débat autour de « LA CHARTE ». On a, entre autre, affirmé que les signes et symboles religieux portés par des fonctionnaires n’avaient aucune influence. Voilà une affirmation qui vient annihiler en une courte phrase toutes les découvertes de la sémiologie depuis cent cinquante ans. Un signe signifie toujours quelque chose et communique toujours un message. Il a donc une influence. Plus ou moins importante selon le contexte, mais néanmoins toujours réelle. Prétendre le contraire est simplement faux. Ce n’est pas parce que le porteur du signe n’est pas conscient du message qu’il porte, ou encore qu’il ne lui accorde pas d’importance, que celui-ci n’existe pas, et encore moins qu’il soit anodin. Si on arrivait à être un peu moins individualiste, et si on arrivait à se placer dans un contexte davantage collectiviste, à l’instar de la société dans laquelle nous évoluons, on se rendrait rapidement compte que, si des signes semblent ne pas avoir d’effet sur nous, il peut en être bien autrement des gens autour de nous.

Imaginons le cas de la jeune fille de quinze ans qui, craignant une grossesse aussi involontaire que non désirée, va consulter toute craintive l’infirmière de sa polyvalente, une fonctionnaire de l’état qui l’accueille, crucifix au cou, avec des affiches de groupes pro-vie plein les murs de son bureau… La jeune fille se sent-elle à l’aise de s’ouvrir à elle? De lui parler de son envie d’avortement? Si ces signes n’ont pas d’importance pour l’infirmière, alors pourquoi tient-elle tant à les afficher? Et quel sera leur impact sur sa clientèle?

J’écoutais un groupe de gens de religion juive revendiquer le droit de porter la kippa au travail, en disant que cela n’avait aucune influence sur la qualité de leur prestation professionnelle. Comment réagiraient-ils si un préposé aux bénéficiaires de religion hindoue embauché par l’hôpital juif de Montréal décidait de porter au travail une croix gammée, signe religieux de son initiation à la doctrine védique? J’entends ici les cris d’horreur!

Autre chose troublante du débat sur « LA CHARTE », c’est sa polarisation en fonction du débat nationaliste-fédéraliste au Québec. Il est assez étonnant de voir que les défenseurs de « LA CHARTE », un projet du gouvernement péquiste de Mme Marois, appartiennent surtout à la mouvance indépendantiste, et que ses pourfendeurs se retrouvent presque essentiellement dans les factions fédéralistes du Québec, pour ne pas dire qu’ils habitent surtout l’ouest de Montréal. C’est curieux, et sans doute assez malsain. Quand on porte attention au débat, on se rend compte que ses opposants sont constamment alimentés par des appuis du R.O.C. (Rest of Canada). Des journaux reconnus pour leur position pro-fédération n’hésitent même pas à triturer la réalité avec des titres comme « 100 universitaires contre la charte des valeurs » (La Presse, 9 décembre 2013), en référence à une lettre signée par 112 professeurs et chercheurs de l’Université de Montréal, oubliant de mentionner que près de 6 000 autres ne l’ont pas signée! 112 sur près de 6 000, cela fait moins de 2 %, ce n’est pas une très forte mobilisation, contrairement à ce qu’aimerait sans doute laisser croire ce journal.

Je crois que « LA CHARTE » offre d’importantes qualités. A-t-elle des défauts? Peut-être, mais c’est en encourageant un débat sain sur ces questions qu’on arrivera à un libellé qui pourra faire consensus, sans être influencé par tous les prosélytes de ce monde. Mais c’est peut-être rêver en couleurs dans un Canada ou le simple fait de ne pas croire en un dieu, de ne pas avoir de religion, constitue un geste criminel. Heureusement, même si cette loi stupide existe encore, les tribunaux ont eu le bon sens de ne pas l’appliquer depuis 1926.

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Perception

TIME a tranché : le pape

Comme à chaque année, décembre est le mois des revues. Les grands médias reviennent sur l’actualité de l’année pour nous en présenter les faits saillants. Au magazine TIME, la tradition veut qu’on mette en page couverture du dernier numéro de l’an la personne qui, selon l’équipe éditoriale, a le plus marqué l’année. Cette année, le choix s’est porté sur le pape, François.

Pourquoi ce choix? Pourquoi retenir comme figure dominante de l’année un personnage controversé, à la tête d’une institution au moins aussi controversée? N’y avait-il pas d’autres choix plus judicieux?

L’insolite de la transmission de règne entre Benoît XVI et François a certes dû être prise en compte. La tradition catholique veut qu’un nouveau pape soit nommé lors du décès du pape en fonction, mais Benoît XVI a choisi de ne pas respecter cette tradition en abdiquant en cours de mandat. Pour une rare fois – et la seule depuis des centaines d’années – un pape fut élu alors qu’un autre vivait toujours. Avec pour résultat que nous avons aujourd’hui deux papes qui vivent toujours à Rome : l’ancien, Benoît XVI, et le nouveau, François. En soi, c’est une petite révolution que Rome nous a fait vivre avec cette démission et cette élection quasi immédiate. François, l’ex-cardinal Jorge Mario Bergoglio, né à Buenos Aires de parents italiens, fut d’abord supérieur des Jésuites d’Argentine. C’est à ce titre qu’il fut mêlé à une controverse où il est question de torture et d’assassinat de membres de cette congrégation ainsi que d’enlèvement et de disparition d’enfants de sympathisants opposés au régime au profit de familles proches du pouvoir argentin. Réputé proche du peuple, le cardinal Bergoglio n’a toutefois pas réussi à laver totalement sa réputation de ces allégations troublantes.

Maintenant à la tête de la toujours puissante Église Catholique Romaine, François semble vouloir mettre un peu d’ordre. D’abord aux finances où les rumeurs de corruption et de détournement de fonds sont persistantes. Puis ensuite dans les questions de moralité du clergé, et particulièrement celles du camouflage des crimes perpétrés par les prêtres homosexuels pédophiles et la scandaleuse immunité dont ils ont bénéficié avec la complaisance des autorités ecclésiastiques. Pour les grands changements de fond de la doctrine – contraception, avortement, homosexualité, mariage des prêtres, ordination des femmes – on devra attendre, semble-t-il, une autre génération de papes, car François, malgré une apparence d’ouverture, ne semble pas du tout disposé à s’attaquer à ces sujets.

Mais pourquoi le pape François au lieu d’un Edward Snowden? Plus que François, Snowden a retenu l’attention de toute la planète avec ses révélations fracassantes sur les abus des agences d’espionnage américaines et leurs alliées. Des révélations qui ont bousculé tous les gouvernements, qui ont ébranlé toutes les chancelleries et terrorisé toutes les ambassades du nord au sud, de l’est à l’ouest. Snowden s’est érigé en champion de la défense de la démocratie et des droits individuels face à un certain ordre mondial qui n’a aucune considération pour la vie privée et les droits de la personne. En coulant aux médias une information réputée « secrète », Snowden a démontré que, au nom d’un concept aussi vague et mal défini que la « sécurité de la nation », les États-Unis et quelques états satellites, dont le Canada, sont prêts à priver leurs citoyens de leurs libertés et de leurs droits les plus absolus.

Par sa bravoure et son sens de la justice et du renoncement, Edward Snowden a certainement marqué l’imagination de citoyens du monde au moins autant et sinon davantage que l’ex-cardinal Bergoglio… alors pourquoi pas la première page du TIME? La réponse est toute simple. TIME est une publication américaine financée à même les revenus publicitaires des corporations américaines, souvent républicaines, généralement conservatrices. Et si François ne dérange personne dans ce milieu, on ne saurait en dire autant d’Edward Snowden. Dans un pays où tous les billets de banque portent l’ostentatoire « In God We Trust », le choix ne fut pas compliqué.

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Actualité, Chronique

Comment être à la fois héros et traître? Honnête et malhonnête? Bon citoyen et renégat? Il suffit d’être un citoyen des États-Unis d’Amérique.

La sentence est tombée il y a quelques heures : Bradley Manning purgera trente-cinq ans en prison. Le frêle jeune homme, aux antipodes du stéréotype de la brute militaire de nos voisins du sud, a été condamné pour avoir révélé à WikiLeaks, la firme de Julian Assange, des secrets militaires incluant, entre autre, la preuve que les États-Unis ont fréquemment passé outre aux lois internationales, dont la convention de Genève, qui régit les engagements armés et le traitement des populations civiles et des prisonniers de guerre. En fait, Manning est surtout condamné pour avoir dénoncé des actes illégaux commis impunément par son employeur, l’armée des États-Unis d’Amérique.

Quelques jours à peine avant que Manning ne reçoive sa sentence, un autre événement du même genre retenait l’attention. À l’aéroport international de Londres, David Miranda, citoyen du Brésil, était détenu pendant neuf heures par la police britannique en vertu de la loi antiterroriste. L’homme de vingt-huit ans qui ne parle pas couramment anglais n’a pas eu droit à un traducteur. Pas plus qu’à un avocat. Personne n’a été averti de sa détention, en parfaite contravention avec une des plus anciennes et fondamentales règles du droit – d’origine britannique soit dit en passant – l’Habeas Corpus. Que pouvait-on bien reprocher à Miranda? Il est le conjoint de Glenn Greenwald, journaliste au Guardian de Londres qui a divulgué dans ses textes des informations dérobées par l’Américain Edward Snowden à son employeur, la National Security Agency (NSA), démontrant que cette agence se livrait à l’espionnage systématique et illégal de citoyens américains tout autant que d’institutions et de pays amis (ONU, France, Allemagne, etc.). Répétons qu’il s’agit là de gestes illégaux. Aucune loi ni aucun décret n’autorise une agence américaine à se livrer à de telles actions, clairement interdites. Ayant dérobé à la NSA des fichiers incriminants qu’il a par la suite publiés en partie avec la complicité de journalistes dont Greenwald du Guardian, Snowden est aujourd’hui en fuite. Il a récemment demandé et obtenu l’asile politique en Russie pour se mettre à l’abri des poursuites et sanctions dont le menacent les États-Unis.

Dans leur propre pays, les cas du soldat Manning et du technicien Snowden soulèvent les passions. D’un côté, les faucons veulent leur peau, de l’autre, les colombes en font des héros. Il est important de savoir que les crimes qu’on leur reproche n’aurait jamais été aussi diffusés si ce n’était pas d’abord et avant tout la dénonciation d’actes illégaux, criminels et, dans certains cas, atroces commis en toute impunité par l’armée américaine ou des agences qui lui sont reliées. Des gestes interdits par la loi et fermement condamnés par toutes les cours des États-Unis. Ce qu’on fait Manning et Snowden, c’est d’agiter la sonnette d’alarme de manière à permettre au public de prendre connaissance du problème et d’agir en conséquence. Toutefois, pour y arriver ils ont dû détourner et voler des documents, puis en assurer la diffusion. On imagine, toutefois, mal comment ils auraient pu dénoncer les faits en agissant autrement. Vous voyez ces types se pointer devant leur supérieur en lui annonçant « J’ai vu que nous posions des gestes illégaux dans le cadre de nos fonctions, alors je vais dénoncer la chose publiquement, si vous n’y voyez pas d’objection. – non, je n’ai pas de documents qui prouvent ce que j’avance – non, je ne trahirai pas mon serment ou les autres termes de mon engagement… »? Ce ne serait pas très crédible. Ainsi, pour dénoncer les crimes importants qu’ils ont rendu publics, tant Snowden que Manning ont dû tricher un peu, abuser le système au sein duquel ils évoluaient. Autrement, ils n’auraient pu mettre les mains sur les preuves, nul ne les aurait crus et ils auraient fait face à tous les démentis officiels imaginables. En fait, on aurait sans doute un jour trouvé leur dépouille flottant sur le Potomac, victimes d’un acte désespéré dû à l’importante dépression dont ils souffraient et qui entraîne parfois des délires paranoïaques incontrôlés aux conséquences on ne peut plus tristes.

Alors que certains ont suggéré que Snowden reçoive le Prix Nobel de la Paix pour son geste, ces gens et leurs relations continuent d’être persécutés pour avoir dénoncé des crimes horribles et d’importantes atteintes aux droits des sociétés et des personnes. Manning vient d’écoper de 35 ans de prison, Snowden vit en exil, Assange est confiné dans une ambassade amie à Londres, impossible d’en sortir sans être arrêté par la police britannique puis extradé aux États-Unis où il risque une très longue peine de prison, Greenwald et son journal, The Guardian, sont persécutés par la police anglaise, et Miranda, le conjoint de Greenwald, est inquiété du simple fait qu’il est le « conjoint de ».

Après ça, vous irez raconter à vos enfants qu’il est important de toujours dire la vérité, de dénoncer ceux qui transgressent les lois pour agresser les autres et les priver de leurs libertés fondamentales. Allez leur dire qu’ils doivent être des citoyens modèles, respectueux des lois et des droits. Vous ne voulez quand même pas qu’ils finissent en prison ou bannis de leur pays pour le reste de leurs jours?!?

God Bless America!

Méline

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Chronique

Quand ma tête est en vacances… (Que penser quand c’est le temps de ne pas penser)

C’est l’été qui, cette année, s’offre à nous de manière assez capricieuse. Avec des prévisions météo toujours aussi maladroites, malgré tous les méga-giga-tera-octets de puissance des ordinateurs qui appuient les Miss Météo de ce monde. On se prépare pour la pluie, imper sur le dos et parapluie sous le bras, et c’est le soleil brûlant qui nous tombe dessus. On s’arme pour la canicule, crème solaire no 60 et lunettes polarisées Dolce & Gabbana, et c’est trempés et transis que nous rentrons de la plage… Le temps est déréglé. C’est désormais certain. Sans doute pour longtemps.

La météo est toujours un sujet d’actualité au Québec. Il est particulièrement amusant d’entendre les spécialistes de la question dans les médias renforcer nos perceptions et contribuer activement à notre névrose collective. Le beau temps après lequel nous avons couru tout l’hiver se transforme, une fois arrivé, en « canicule insoutenable » : on a hâte au prochain refroidissement qui nous apportera le « répit attendu »! S’il pleut, l’industrie du tourisme va mal. S’il fait beau, les agriculteurs se mettent à craindre la sécheresse. Si c’est trop humide, les récoltes pourrissent dans les champs. S’il ne vente pas assez, la qualité de l’air se dégrade. S’il vente trop, c’est mauvais pour les activités extérieures. En fait, une belle journée sur le plan météo, c’est du soleil sur la plage tandis qu’il pleut par intermittence sur les champs, que le vent souffle les voiles et la pollution tandis que l’air calme n’indispose pas les clients des terrasses. Typiquement québécois.

C’est l’été, et mon patron me donne congé pour me reposer. Re-po-ser. Mon corps doit autant que possible ne rien faire. Et mon cerveau doit se libérer de ce qui l’occupe d’habitude. En fait, je dois prendre modèle sur les plantes et me plonger dans un état végétatif profond. Pour le corps, c’est simple : d’abord une séance de massage pour détendre les muscles, puis beaucoup de chaise longue, pour les atrophier au maximum. Si vous pouvez avoir accès à un domestique et éviter de vous lever pour aller chercher votre mojitos, c’est encore mieux. Quant au cerveau, il faut le débrancher. Pour y arriver, un livre ou deux. Pas trop intello, bien sûr. Cinquante nuances de Grey, ou plus sombres, ou plus claires, est un bon début pour l’été, à pied d’égalité avec l’interminable série Twilight et ses imitations. On y trouve tout ce qu’il faut pour plonger nos encéphales dans une épaisse mélasse qui viendra paralyser presque complètement tous les échanges sérieux entre les quelques neurones et synapses qui voudraient encore s’activer. Pour calmer les plus survoltées d’entre nous, pourquoi ne pas se taper un ou deux films de filles les jeudis soirs à TVA? Effet lénifiant garanti, vous finirez même par vous convaincre que Marie-Mai a vraiment du talent. C’est tout dire! Plus que du repos, c’est la catatonie.

Cet état de quasi non-existence me laisse tout le temps pour faire autre chose : réfléchir! C’est une activité que nous n’avons pas habituellement le temps de faire, trop occupé que nous sommes à interagir, à nous informer et à communiquer. Mais là, avec le cerveau pris dans la gélatine des vacances, que faire d’autre sur fond de pépiements d’oiseaux et de clapotis de vagues? Mine de rien, on se met à réfléchir. En surface d’abord, puis de plus en plus profondément au fur et à mesure que ralentissent nos autres fonctions. Comme les nouvelles informations sont rares, nous prenons le temps de repasser en boucle celles qui nous ont marqués, puis d’autres qui nous ont semblé moins importantes sur le moment. On rembobine la cassette, puis on se la repasse en boucle. On se renvoie nos actions comme notre image dans un miroir. On réfléchit. Et, chose pas si étonnante, cela a des effets.

Avez-vous remarqué combien de gens décident de changer d’emploi à leur retour de vacances? Ou de chum? Ou de blonde? Ou même de vie? Ils sont légion. Pourquoi? Parce que, condamnés à rien faire, ils ont réfléchi. Pas de Facebook, pas de journaux, pas d’Internet, le cerveau a pu prendre le temps de faire ce qu’il fait de moins en moins souvent : réfléchir. C’est à dire mûrir et analyser les informations qu’il possède déjà sans en emmagasiner de nouvelles. Prendre le temps de voir les choses sous divers angles, prendre du recul, ou bien s’en approcher davantage. Autant de choses que notre survie aussi quotidienne que trépidante nous permet de moins en moins de faire. Autant de choses pourtant essentielles à une vraie vie, saine et équilibrée. Au fond, c’est peut-être ça le vrai repos, les vraies vacances : prendre le temps d’être jusqu’à en devenir conscient.

Méline

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Chronique

C’est le temps des vacances!

C’est à 5 heures 3 minutes 57 secondes que, le 21 juin prochain, nous célébrerons le solstice d’été. Traditionnellement, c’est le début des grandes vacances. Qui dit vacances dit plaisir, loisir, dolce farniente et tutti quanti. On s’amuse, déjà, à planifier ce qu’on fera à ne rien faire. Les grandes vacances ne coïncident pas avec l’été par hasard. Plusieurs diront que c’est le temps des chaleurs et de la belle température, donc un moment idéal pour ne rien faire et juste profiter du soleil et de la nature qui s’éclate au maximum. La vraie raison des grandes vacances estivales est toute autre. Les vacances d’été ont curieusement été inventées pour travailler! Et la faute en revient à l’école.

C’est l’école qui a initié le concept d’un grand congé estival. La raison? Permettre aux enfants d’être libres afin de pouvoir contribuer aux travaux des champs – cultures et récoltes – particulièrement exigeants entre la fin juin et le début septembre. Les grandes vacances scolaires ont donc été inventées pour permettre aux gens de la terre d’avoir accès, en période de pointe, à une main d’œuvre abondante et bon marché. Rien à voir avec le loisir et le repos.

Avec la mécanisation de l’agriculture, les besoins en main d’œuvre ont diminué et les ruraux ont migré vers les villes. Dès lors, les grandes vacances d’été sont devenues plus ludiques. Les enfants étaient plus libres et profitaient du long congé pour s’amuser. Dans certains milieux, on les envoyait en « colonies de vacances » pour qu’ils profitent de loisirs organisés dans un environnement qui les changeait de la ville. Pierre Perret en fit jadis une jolie chanson.

La France fut l’un des premiers pays occidentaux à décréter dès 1936 des vacances d’été pour tous. Les autres suivirent peu après, obligeant les entreprises à offrir de 7 à 21 jours par an de congé payé. Certaines entreprises offrent même beaucoup plus, souvent en fonction du statut et de l’ancienneté du personnel.

Avec la démocratisation des vacances a surgi le besoin d’en profiter. Si on en a les moyens, il n’est pas question de rester en ville et de subir passivement la canicule. Depuis les Clubs Med – inventés par les Français pour mieux profiter de leurs vacances – on a inventé mille et un forfaits pour toutes les bourses et tous les goûts. Forfaits aventure ou exploration pour les téméraires, forfaits à la ferme ou rustiques pour les nostalgiques, forfaits cathédrales et musées pour les érudits, forfaits relais et châteaux, ou Toscane, pour les romantiques, forfaits à la plage, à la mer et au soleil pour la plupart, et j’en suis.

En voiture vers Old Orchard, Ogunquit et Cape Cod pour les amoureux de la mer glacée, ou plus au sud, d’Atlantic City à Miami en passant par Myrtle Beach pour ceux qui l’aiment plus chaude entre deux dix-huit trous. Ou encore en avion pour Varadero, Cancun, Puerto Vallarta ou cette bonne vielle Acapulco afin de rejoindre quelques millions d’autres vacanciers qui sacrifient des tonnes de lotion pour protéger leur peau des effets du soleil qu’ils sont justement venus goûter. Le soir venu, cette faune débridée troquera le maillot minimaliste pour des tenues vaporeuses aussi sexy et s’adonnera aux bacchanales offertes par leur forfait « tout compris ». Les plus célibataires finiront souvent la nuit en compagnie des « g.o. » du Club Med, ou avec d’autres couples dans ces immenses complexes de vacances, comme on en retrouve, entre autre, sur la côte nord de la Jamaïque, justement prévus pour favoriser ces rencontres et ces échanges.

Aujourd’hui, les vacances sont des fabriques à souvenirs. Ceux qu’on rapporte dans ses bagages, en vrai ou en photo, ou ceux qui tiennent dans la tête, souvent les plus beaux. Pour les tout-petits comme pour les plus grands, les vacances fabriquent sans doute quelques-uns des plus beaux souvenirs qui vous habiteront. Et justement, je dois vous laisser, je pars en vacances!

Méline

© 2013 Chaud et humide

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