Actualité, Chronique

Quand le chat dort, les souris dansent.

C’est par Facebook que le pire arrive. Harcèlement jusqu’au suicide, détournement de mineur(e), vols d’identité, chantage, tout ce qu’on peut imaginer de pire peut nous arriver par Facebook, et finit d’ailleurs par arriver! Les internautes ont beau être prévenus, par Facebook lui-même, ou par les autorités policières, ou par les médias, et même en classe pour les plus jeunes, rien n’y fait. Les victimes sont de plus en plus nombreuses, pour la plus grande satisfaction de celles et ceux qui les arnaquent.

Pour les personnes qui ne sont pas trop averties des risques, le piège Facebook commence à se refermer dès les premiers instants. Au fond, qu’est-ce que Facebook a à nous offrir? Des amis! Et vous en connaissez, vous, des gens qui ne veulent pas d’amis? Alors aussitôt terminé votre profil, Facebook se met à exploiter votre dépendance à l’amitié. Les plus sages se contenteront de quelques amis avec qui ils échangeront sans trop de risques. Les plus extravertis se lanceront plutôt dans une chasse aux amis qui leur permettra d’en accumuler des dizaines, des centaines et voire des milliers dans le temps de le dire. Bien sûr, ne vous fiez pas sur ces amis pour vous aider lors de votre prochain déménagement, vous devriez alors faire face à la déception. Mais pour vous souhaitez joyeux anniversaire, plusieurs y seront, tout comme pour les vœux à l’occasion d’une naissance, ou pour les félicitations quand vous afficherez votre nouvelle photo alors que vous sortez tout juste de chez votre coiffeur!

Peu à peu, vous y prenez goût. C’est sympathique toutes ces amies prêtes à vous écouter raconter votre dernier chagrin d’amour, ou pleins de bons conseils pour aider votre petite dernière à faire ses nuits,… et vous leur parlez… et ils, elles répondent. Au fil des conversations, vous en dites de plus en plus sur vous. Tranquillement, vous vous révélez. De message en message, chaque fois que vous ajoutez à vos statuts, vous en dites un peu plus sur vous. Pour un interlocuteur habile qui vous a pris pour cible, vous êtes dans la mire : il a votre date de naissance, puis votre adresse, puis la photo de votre véhicule, celles de vos enfants, il sait que votre père est décédé, ou malade, il sait que votre dernier copain, qui travaillait dans une firme d’aviation, vous a quitté le mois dernier pour une infirmière rousse du CLSC voisin… il connaît vos fantasmes homosexuels tout comme l’adresse de ce que vous considérez être le meilleur restaurant, le chanteur que vous aimez le plus et votre passage préféré de « Cinquante nuances de Grey ». Avez-vous pensez que s’il avait envie de vous séduire, vous lui auriez mis toutes les cartes en main?

Et si, au lieu de vous séduire, il choisissait plutôt de profiter de vous? De votre bonté? De votre générosité? S’il décidait de se faire passer pour vous pour obtenir des avantages qui, normalement, vous reviennent? Pire que tout, s’il utilisait tout ce que vous avez raconté sur vous, les vôtres et votre environnement, pour se rapprocher de vos enfants et, petit à petit, gagner leur confiance pour en abuser davantage? À votre insu, mais en se servant de toutes ces informations que vous lui avez fournies bien innocemment depuis que vous communiquez avec vos amies et vos amis Facebook… Et si?

Tiens, un frisson vient de vous traverser. Un doute aussi : et si votre plus vieille, qui est à l’ordinateur depuis deux heures déjà, était avec lui? Elle n’a que onze ans, mais vous la savez curieuse alors qu’elle ne se méfie de rien. Et si, demain, sa photo, un peu dénudée, prise par la webcam de votre portable que vous lui prêtez gentiment, se retrouvait sur plein de sites, à son insu, au vôtre surtout?

Bonne nuit sur Facebook, et à bientôt!

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Célébration, Chronique

Party de bureau

C’est la saison. Tout le monde l’attend. Toutes et tous en rêvent, pour le meilleur ou le pire. Il y a ceux qui le haïssent, ceux qui en raffolent, puis ceux qui le préparent. Ceux-ci sont généralement les membres du comité social, ou encore ils font partie de l’équipe des ressources humaines. Ces dernières années, des firmes spécialisées en organisation d’événements offrent même de tout planifier, réserver et animer en fonction du nombre d’invités et du budget. Souvent, cela inclut même le véhicule nolisé pour ramener les fêtards à la maison, leur évitant l’angoisse des barrages policiers, le recours à Nez Rouge, ou pire, l’accident.

Il faut s’y préparer. Ariane, la réceptionniste, a dépensé son salaire d’une semaine pour le pantalon Burberry qu’elle a choisi pour cette occasion. Et encore, c’est trois fois moins que pour les chaussures « Sofia Etoile » de Gucci, vertigineusement hautes, qu’elle porte avec la dextérité d’une équilibriste. Alexis, un des représentants des ventes, a consacré l’essentiel de son bonus de fin d’année pour se payer son complet noir finement rayé signé Dolce & Gabbana. Et c’est sans compter ce que lui a coûté son épilation complète. Naya, la très réservée technicienne en informatique, une musulmane pratiquante, a tout misé sur l’impact d’un pull brodé bordé de lapin qu’elle a enfilé sur un bustier provocant de la collection Victoria’s Secret. Nancy, l’adjointe administrative divorcée depuis peu, a même confié à une collègue s’être fait refaire les seins, deux tailles de bonnets de plus, pour l’occasion. « J’espère juste qu’ils auront retrouvé toute leur sensibilité d’ici là! » lui a-t-elle dit. Dans tous les bureaux, c’est l’opération « Grande Séduction » qui est en cours. À coup de visites chez le coiffeur, l’esthéticienne, et d’interminables séances d’essayages dans une aussi interminable liste de boutiques.

Même si les spécialistes de l’ordre établi professionnel conseillent unanimement de se tenir sage pendant le party de bureau, tous les employés savent intuitivement qu’il peut être utile et même avantageux de se compromettre, même si, pour certains, les lendemains peuvent être parfois difficiles. C’est quand même là une belle occasion, pour les uns de séduire une personne qui nous attire en secret, parfois depuis des mois, pour les autres de se faire remarquer des patrons dans la perspective d’une éventuelle promotion. Le pactole, c’est de réussir les deux d’un coup, pourvu que le patron puisse être attirant, ce qui est souvent le cas après quelques verres de punch ou un joint grillé à la hâte dans l’auto du comptable.

Le secret des abus réussis réside dans le contrôle des dommages. Peu importe ce que je ferai, je ne dois jamais en laisser de traces irréfutables et, moins encore, indésirables. Avec les appareils photos intégrés à tous les portables, il faut d’abord se méfier des photos et bouts de film qu’on retrouvera plus tard sur le net. Nos seins et nos fesses peuvent être d’un effet parfaitement acceptable pour le ou la collègue aussi saoul que nous le soir du party, mais les contempler sur plein de profils Facebook le lendemain aura des conséquences moins intéressantes et pourra susciter des discussions pénibles avec un conjoint un peu tatillon. Même chose pour ces photos toujours amusantes – pour les autres – de notre face blême penchée au-dessus de la cuvette des toilettes. On évite.

Prudence aussi sur d’autres plans : si la torride partie de jambes en l’air qui a suivi la soirée peut avoir sur l’autre personne un effet très positif quant à nos possibilités d’avancement, il en sera tout autrement quand viendra le moment d’aborder la question de l’avortement… ou de la MTS que nous aurons chopée. Après toute l’énergie mise dans l’opération, ne soyons pas contre-productifs.

En conclusion, le party de bureau, c’est comme la loterie. Beaucoup y jouent, plusieurs y gagnent,  parfois même le gros lot. Certains sont moins chanceux – ou juste moins habiles. Sachons éviter les gros ennuis. Profitons-en, plongeons loin et amusons-nous!

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Quand ma tête est en vacances… (Que penser quand c’est le temps de ne pas penser)

C’est l’été qui, cette année, s’offre à nous de manière assez capricieuse. Avec des prévisions météo toujours aussi maladroites, malgré tous les méga-giga-tera-octets de puissance des ordinateurs qui appuient les Miss Météo de ce monde. On se prépare pour la pluie, imper sur le dos et parapluie sous le bras, et c’est le soleil brûlant qui nous tombe dessus. On s’arme pour la canicule, crème solaire no 60 et lunettes polarisées Dolce & Gabbana, et c’est trempés et transis que nous rentrons de la plage… Le temps est déréglé. C’est désormais certain. Sans doute pour longtemps.

La météo est toujours un sujet d’actualité au Québec. Il est particulièrement amusant d’entendre les spécialistes de la question dans les médias renforcer nos perceptions et contribuer activement à notre névrose collective. Le beau temps après lequel nous avons couru tout l’hiver se transforme, une fois arrivé, en « canicule insoutenable » : on a hâte au prochain refroidissement qui nous apportera le « répit attendu »! S’il pleut, l’industrie du tourisme va mal. S’il fait beau, les agriculteurs se mettent à craindre la sécheresse. Si c’est trop humide, les récoltes pourrissent dans les champs. S’il ne vente pas assez, la qualité de l’air se dégrade. S’il vente trop, c’est mauvais pour les activités extérieures. En fait, une belle journée sur le plan météo, c’est du soleil sur la plage tandis qu’il pleut par intermittence sur les champs, que le vent souffle les voiles et la pollution tandis que l’air calme n’indispose pas les clients des terrasses. Typiquement québécois.

C’est l’été, et mon patron me donne congé pour me reposer. Re-po-ser. Mon corps doit autant que possible ne rien faire. Et mon cerveau doit se libérer de ce qui l’occupe d’habitude. En fait, je dois prendre modèle sur les plantes et me plonger dans un état végétatif profond. Pour le corps, c’est simple : d’abord une séance de massage pour détendre les muscles, puis beaucoup de chaise longue, pour les atrophier au maximum. Si vous pouvez avoir accès à un domestique et éviter de vous lever pour aller chercher votre mojitos, c’est encore mieux. Quant au cerveau, il faut le débrancher. Pour y arriver, un livre ou deux. Pas trop intello, bien sûr. Cinquante nuances de Grey, ou plus sombres, ou plus claires, est un bon début pour l’été, à pied d’égalité avec l’interminable série Twilight et ses imitations. On y trouve tout ce qu’il faut pour plonger nos encéphales dans une épaisse mélasse qui viendra paralyser presque complètement tous les échanges sérieux entre les quelques neurones et synapses qui voudraient encore s’activer. Pour calmer les plus survoltées d’entre nous, pourquoi ne pas se taper un ou deux films de filles les jeudis soirs à TVA? Effet lénifiant garanti, vous finirez même par vous convaincre que Marie-Mai a vraiment du talent. C’est tout dire! Plus que du repos, c’est la catatonie.

Cet état de quasi non-existence me laisse tout le temps pour faire autre chose : réfléchir! C’est une activité que nous n’avons pas habituellement le temps de faire, trop occupé que nous sommes à interagir, à nous informer et à communiquer. Mais là, avec le cerveau pris dans la gélatine des vacances, que faire d’autre sur fond de pépiements d’oiseaux et de clapotis de vagues? Mine de rien, on se met à réfléchir. En surface d’abord, puis de plus en plus profondément au fur et à mesure que ralentissent nos autres fonctions. Comme les nouvelles informations sont rares, nous prenons le temps de repasser en boucle celles qui nous ont marqués, puis d’autres qui nous ont semblé moins importantes sur le moment. On rembobine la cassette, puis on se la repasse en boucle. On se renvoie nos actions comme notre image dans un miroir. On réfléchit. Et, chose pas si étonnante, cela a des effets.

Avez-vous remarqué combien de gens décident de changer d’emploi à leur retour de vacances? Ou de chum? Ou de blonde? Ou même de vie? Ils sont légion. Pourquoi? Parce que, condamnés à rien faire, ils ont réfléchi. Pas de Facebook, pas de journaux, pas d’Internet, le cerveau a pu prendre le temps de faire ce qu’il fait de moins en moins souvent : réfléchir. C’est à dire mûrir et analyser les informations qu’il possède déjà sans en emmagasiner de nouvelles. Prendre le temps de voir les choses sous divers angles, prendre du recul, ou bien s’en approcher davantage. Autant de choses que notre survie aussi quotidienne que trépidante nous permet de moins en moins de faire. Autant de choses pourtant essentielles à une vraie vie, saine et équilibrée. Au fond, c’est peut-être ça le vrai repos, les vraies vacances : prendre le temps d’être jusqu’à en devenir conscient.

Méline

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