Érotisme, Chronique, Professionnel, Sexualité

Cul sec

J’y étais tout à l’heure justement. Dans un cinq à sept. Parfois j’y vais juste comme ça. Pour accompagner des gens du bureau. D’autres fois, c’est par affaires. Pour un lancement de livre ou de disque. Un cinq à sept, c’est toujours imprévisible, et souvent amusant.

Quand c’est pour le bureau, les cinq à sept sont souvent des précurseurs, ou bien des suites, du party de Noël. Quand c’est pour les affaires, alors c’est par affaires.

On s’y retrouve à quatre, ou dix, ou vingt, et on consomme. Quelques olives, des arachides, des croustilles le plus souvent. Avec du vin, des « shooters », d’autres alcools. Peu importe la raison, le but est de se retrouver à l’extérieur du bureau, dans un lieu propice aux rencontres, aux échanges, éventuellement aux liaisons, dans une ambiance où les têtes peuvent tourner et où tombent souvent les barrières.

La chose est populaire! La plupart des grands bureaux du centre-ville de Montréal en ont l’habitude. Et à Laval, c’est Centropolis qui devient le lieu de convergence, c’est immanquable. Souvent, les fins d’après-midi, les stationnements ressemblent à ceux des centres commerciaux le « boxing day ».

Pour attirer la clientèle, on brade les alcools, les bières, les vins. Les deux pour un ont la cote et on peut se payer le pichet pour moins cher que deux verres. De toute manière, et le patron le sait, on ne s’arrêtera pas à un seul… Sans que ça ne paraisse trop, les maquillages sont refaits pour la soirée. Plus éclatants, plus prononcés, plus invitants. Et les toilettes sont retouchées ad hoc, les blouses déboutonnées, les coiffures ébouriffées. On n’a pas envie d’être sage, et on s’arrange pour que ça se sache.

On se parle. Timidement au début, l’alcool n’a pas encore eu d’effet. Puis, bientôt, les échanges deviennent plus personnels, plus fouillés, plus intimes. On cherche à plaire d’abord, puis, de plus en plus ouvertement, à séduire. Avec elles, eux. Entre nous, vous, tu, il, elle, et lui. Des jeux se jouent, des « je » se nouent. C’est clair pour chacun : c’est ailleurs que ça devrait finir. Mais c’est quand même ici qu’on s’allume, et même, parfois, plus tristement, qu’on s’éteint. Au fil des conversations, on s’apprend, on se découvre, on s’apprivoise. On essaie de séparer les mensonges des vérités, on choisit lesquels des deux nous plaisent le plus. Le geste se mêle bientôt au mot. Ce qui n’était qu’effleurement devient insistant. Lentement, les mots endorment tandis que les caresses réveillent.

Après un temps, la tête est complètement anesthésiée. C’est désormais le corps, seul, qui répond. C’est lui qui offre la main à l’autre, invitante. Qui prendra place dans la voiture. Puis dans le lit, pour s’y exposer à son tour, s’y offrir et s’y donner. C’est lui que la tête, qu’on retrouve nécessairement un peu plus tard, voudra couvrir, dissimuler, puis dérober parce que l’heure ne s’y prête plus. Le cinq à sept est passé. Je rentre chez moi.

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Célébration, Chronique

Party de bureau

C’est la saison. Tout le monde l’attend. Toutes et tous en rêvent, pour le meilleur ou le pire. Il y a ceux qui le haïssent, ceux qui en raffolent, puis ceux qui le préparent. Ceux-ci sont généralement les membres du comité social, ou encore ils font partie de l’équipe des ressources humaines. Ces dernières années, des firmes spécialisées en organisation d’événements offrent même de tout planifier, réserver et animer en fonction du nombre d’invités et du budget. Souvent, cela inclut même le véhicule nolisé pour ramener les fêtards à la maison, leur évitant l’angoisse des barrages policiers, le recours à Nez Rouge, ou pire, l’accident.

Il faut s’y préparer. Ariane, la réceptionniste, a dépensé son salaire d’une semaine pour le pantalon Burberry qu’elle a choisi pour cette occasion. Et encore, c’est trois fois moins que pour les chaussures « Sofia Etoile » de Gucci, vertigineusement hautes, qu’elle porte avec la dextérité d’une équilibriste. Alexis, un des représentants des ventes, a consacré l’essentiel de son bonus de fin d’année pour se payer son complet noir finement rayé signé Dolce & Gabbana. Et c’est sans compter ce que lui a coûté son épilation complète. Naya, la très réservée technicienne en informatique, une musulmane pratiquante, a tout misé sur l’impact d’un pull brodé bordé de lapin qu’elle a enfilé sur un bustier provocant de la collection Victoria’s Secret. Nancy, l’adjointe administrative divorcée depuis peu, a même confié à une collègue s’être fait refaire les seins, deux tailles de bonnets de plus, pour l’occasion. « J’espère juste qu’ils auront retrouvé toute leur sensibilité d’ici là! » lui a-t-elle dit. Dans tous les bureaux, c’est l’opération « Grande Séduction » qui est en cours. À coup de visites chez le coiffeur, l’esthéticienne, et d’interminables séances d’essayages dans une aussi interminable liste de boutiques.

Même si les spécialistes de l’ordre établi professionnel conseillent unanimement de se tenir sage pendant le party de bureau, tous les employés savent intuitivement qu’il peut être utile et même avantageux de se compromettre, même si, pour certains, les lendemains peuvent être parfois difficiles. C’est quand même là une belle occasion, pour les uns de séduire une personne qui nous attire en secret, parfois depuis des mois, pour les autres de se faire remarquer des patrons dans la perspective d’une éventuelle promotion. Le pactole, c’est de réussir les deux d’un coup, pourvu que le patron puisse être attirant, ce qui est souvent le cas après quelques verres de punch ou un joint grillé à la hâte dans l’auto du comptable.

Le secret des abus réussis réside dans le contrôle des dommages. Peu importe ce que je ferai, je ne dois jamais en laisser de traces irréfutables et, moins encore, indésirables. Avec les appareils photos intégrés à tous les portables, il faut d’abord se méfier des photos et bouts de film qu’on retrouvera plus tard sur le net. Nos seins et nos fesses peuvent être d’un effet parfaitement acceptable pour le ou la collègue aussi saoul que nous le soir du party, mais les contempler sur plein de profils Facebook le lendemain aura des conséquences moins intéressantes et pourra susciter des discussions pénibles avec un conjoint un peu tatillon. Même chose pour ces photos toujours amusantes – pour les autres – de notre face blême penchée au-dessus de la cuvette des toilettes. On évite.

Prudence aussi sur d’autres plans : si la torride partie de jambes en l’air qui a suivi la soirée peut avoir sur l’autre personne un effet très positif quant à nos possibilités d’avancement, il en sera tout autrement quand viendra le moment d’aborder la question de l’avortement… ou de la MTS que nous aurons chopée. Après toute l’énergie mise dans l’opération, ne soyons pas contre-productifs.

En conclusion, le party de bureau, c’est comme la loterie. Beaucoup y jouent, plusieurs y gagnent,  parfois même le gros lot. Certains sont moins chanceux – ou juste moins habiles. Sachons éviter les gros ennuis. Profitons-en, plongeons loin et amusons-nous!

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