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C’est trop long adopter? Alors achetez le bébé!

Il fut un temps où existait une expression au Québec pour décrire la femme enceinte : on disait « elle va acheter ». Aujourd’hui, allons-nous voir apparaître l’expression « elle va vendre »? Le cas Joël Legendre, médiatisé d’une manière qui frôlait l’indécence, soulève la question dans toute son ampleur.

La loi canadienne sur le sujet est on ne peut plus claire : il est interdit à quiconque de vendre ou de louer son corps pour permettre à une autre personne d’avoir un enfant. Dans les faits, le Canada n’interdit pas la GPA (gestation par autrui), mais il en interdit toute forme de commercialisation, ce qui, convenons-en, consiste à « rêver en couleurs »!

Dans les faits, peut-on imaginer une personne normale qui va généreusement prêter son corps pendant neuf mois à un autre couple qui ne peut avoir d’enfant? Pour permettre à ce couple de se perpétuer? Nous savons tous qu’une grossesse n’est pas sans risque, qu’un accouchement peut mal tourner et que, dans certains cas, heureusement de plus en plus rares ici, l’issu peut parfois être tragique. Quelle femme saine d’esprit prendrait un tel risque en sachant que, ensuite, elle devra abandonner l’enfant avec lequel elle a vécu en symbiose pendant neuf mois? Sans doute aucune, à moins d’une amie très proche, très liée, et prête à s’oublier totalement dans ce geste.

Dans le cas de Joël Legendre et de son conjoint, un couple homosexuel qui souhaitait un enfant, ce qui en soi n’a rien d’étonnant, ni encore moins de condamnable, la femme qui s’est prêtée à eux pour ce besoin de procréer n’était pas une amie proche, ni même une connaissance. C’était une femme qui a simplement profité d’une zone floue de la loi pour le faire pour de l’argent. En effet, cette dame s’est vue indemnisée par la Régie de l’assurance maladie du Québec. Un faible montant sans doute, mais une indemnité qu’on pourrait associer à un revenu pouvant être attirant pour une personne démunie.

On voit d’ici les conséquences à long terme : pour des femmes sans-le-sou, sans autres ressources, vendre ainsi son corps pourra devenir une façon de se tirer momentanément d’affaires. Il est certain que ce sera sans intérêt pour toutes celles qui gagnent convenablement leur vie, mais pour une personne que la chance et les circonstances n’ont pas gâtée, c’est une avenue qui s’offrira. En a-t-on vraiment évalué toutes les conséquences? Car en plus des risques physiques, il y a aussi les risques psychologiques, aussi dommageables et, sans doute, plus probables. Et, dans quelques années, comment vivrons-nous les séquelles sociales de ces gestes? Comment ces femmes qui ont abandonné leur enfant entre les mains d’étrangers assumeront-elles cette séparation à long terme? Et comment, en grandissant, les enfants vivront-ils cette séparation de leur mère biologique? Quelle pression cela fera-t-il subir au couple adoptif? Les conséquences psychosociales de ces choix de société actuels pourraient finalement être énormes, mais elles sont pour l’instant méconnues, mal documentées et simplement inquiétantes.

Il arrive souvent à l’homme de vouloir jouer les apprentis-sorciers. Et il lui arrive très souvent de le regretter. À force de vouloir intervenir dans l’ordre naturel des choses, que ce soit en matière d’environnement, de biologie ou d’organisation sociale, il peut poser des gestes aux conséquences mal comprises qui pèseront éventuellement lourd sur les générations à venir et, peut-être, sur leurs chances de survie. Avant de permettre, ou d’interdire, de laisser faire ou d’intervenir, il faut prendre le temps de réfléchir, tout le temps nécessaire. La précipitation n’a pas sa place quand notre destin collectif est en cause. Et quand il est question du commerce des bébés, il me semble que ce soit le cas.

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Racisme et sport, c’est le menu de l’homme des cavernes!

Il y a deux semaines, c’était un animateur de radio de Toronto qui tenait des propos remettant en cause le jugement des arbitres québécois dans la Ligue nationale de hockey (…et non, ce n’était pas, cette fois-ci, le pitoyable Don Cherry!). Plus tôt cette semaine, c’était au tour du propriétaire des Clippers de Los Angeles, Donald Sterling, d’être suspendu à vie de la National Basketball Association (NBA) pour racisme envers les noirs. Lors d’une conversation avec sa petite amie, Sterling lui avait demandé de ne pas se faire voir et, surtout, de ne pas se présenter aux matches de son équipe, en compagnie de personnes de race noire. Hier soir, suite à la victoire en éliminatoires du Canadiens de Montréal sur les Bruins de Boston, ce sont les fans de cette dernière équipe qui se sont laissés aller à délirer sur Twitter en tenant des propos racistes contre le joueur-vedette de la partie, le défenseur P. K. Subban.

Selon Influence Communication, et tel que rapporté sur le site Internet de Radio-Canada, ce n’est pas moins de 17 000 fois que le mot-clic « #nigger » a été utilisé en association avec le nom du joueur du tricolore entre jeudi soir et vendredi midi! Que se passe-t-il donc dans ce « merveilleux monde du sport »? Y a-t-il une crise dont l’ampleur nous échappe?

Je ne crois pas. Je pense que tout va comme d’habitude dans le milieu du sport professionnel, un milieu où les valeurs « viriles » ont la cote, un milieu qui fait rarement dans la nuance et la dentelle. C’est juste que, avec l’hyper médiatisation des nouvelles, les appareils photos partout, et le moyen de faire voyager la plus bête des opinions du plus borné des « hooligans » partout sur le globe en une simple contraction du pouce, tout se sait davantage, et plus vite.

Un retour sur l’histoire toute récente du vingtième siècle – celle que notre nouveau ministre ne veut pas voir enseigner, du moins pour le Québec – nous rappelle le cas tristement célèbre de Jackie Robinson, joueur de baseball étoile dont la carrière a été compromise parce qu’il était noir. On en a même tiré le film « 42 » en 2013. Cet homme s’est battu, et il a finalement gagné, mais non sans mal, contre un règlement de la ligue qui interdisait le terrain aux joueurs de couleur!

En Espagne, et ailleurs en Europe, les joueurs de foot d’origine africaine se font régulièrement lancer des bananes sur le terrain. Un geste très peu élégant qui vise à les associer à des singes. Et même Mme Taubira, Guyanaise et ministre de race noire dans le gouvernement français de François Hollande, a goûté à cette médecine de la part de partisans du Front National, un parti de l’extrême droite en France.

Pour ce qui est du hockey, les plus vieux se souviennent encore du jugement très injuste à l’égard de Maurice Richard du Canadien de Montréal que bien des analystes et des historiens, aujourd’hui plus que jamais, mettent sur le compte du racisme anti-Québécois qui loge à la même enseigne que celui que subissait l’homme fort Louis Cyr à la fin du dix-neuvième siècle. Et pour l’anecdote, sachons que la version française de l’hymne national canadien, paroles originales composées par le juge Basile Routhier sur une musique de Calixa Lavallée, a toujours été huée au Maple Leaf Garden de Toronto. Mais est-ce du racisme? Au Canada anglais, on préfère utiliser l’expression édulcorée « French Canadians’ bashing »… c’est presque perçu là-bas comme un geste tendre.

Mais pourquoi ces attitudes? Et pourquoi en particulier dans le domaine des sports professionnels? Parce qu’entre deux hot-dogs et trois grosses bières, ce sont là que nos primitifs pas-tout-à-fait-sortis-des-cavernes trouvent leur plaisir et leur montée d’adrénaline aux portes de leur usine ou de leur bureau où des patrons siphonnent, pour un maigre salaire, leurs aussi maigres qualités. Travailleurs frustrés, ou parvenus riches à coup de chance, à peine alphabétisés, ce serait beaucoup leur demander de réfléchir un peu avant d’agir… et 12 bières plus tard, c’est parfaitement impossible. Alors ils font ce qu’ils pensent toujours avoir le droit de faire dans un pays qui les enchaîne en leur promettant la liberté, ici ou aux États : ils s’expriment, et tant pis pour les victimes. LI-BAR-TÉ! LI-BAR-TÉ!

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Quand le chat dort, les souris dansent.

C’est par Facebook que le pire arrive. Harcèlement jusqu’au suicide, détournement de mineur(e), vols d’identité, chantage, tout ce qu’on peut imaginer de pire peut nous arriver par Facebook, et finit d’ailleurs par arriver! Les internautes ont beau être prévenus, par Facebook lui-même, ou par les autorités policières, ou par les médias, et même en classe pour les plus jeunes, rien n’y fait. Les victimes sont de plus en plus nombreuses, pour la plus grande satisfaction de celles et ceux qui les arnaquent.

Pour les personnes qui ne sont pas trop averties des risques, le piège Facebook commence à se refermer dès les premiers instants. Au fond, qu’est-ce que Facebook a à nous offrir? Des amis! Et vous en connaissez, vous, des gens qui ne veulent pas d’amis? Alors aussitôt terminé votre profil, Facebook se met à exploiter votre dépendance à l’amitié. Les plus sages se contenteront de quelques amis avec qui ils échangeront sans trop de risques. Les plus extravertis se lanceront plutôt dans une chasse aux amis qui leur permettra d’en accumuler des dizaines, des centaines et voire des milliers dans le temps de le dire. Bien sûr, ne vous fiez pas sur ces amis pour vous aider lors de votre prochain déménagement, vous devriez alors faire face à la déception. Mais pour vous souhaitez joyeux anniversaire, plusieurs y seront, tout comme pour les vœux à l’occasion d’une naissance, ou pour les félicitations quand vous afficherez votre nouvelle photo alors que vous sortez tout juste de chez votre coiffeur!

Peu à peu, vous y prenez goût. C’est sympathique toutes ces amies prêtes à vous écouter raconter votre dernier chagrin d’amour, ou pleins de bons conseils pour aider votre petite dernière à faire ses nuits,… et vous leur parlez… et ils, elles répondent. Au fil des conversations, vous en dites de plus en plus sur vous. Tranquillement, vous vous révélez. De message en message, chaque fois que vous ajoutez à vos statuts, vous en dites un peu plus sur vous. Pour un interlocuteur habile qui vous a pris pour cible, vous êtes dans la mire : il a votre date de naissance, puis votre adresse, puis la photo de votre véhicule, celles de vos enfants, il sait que votre père est décédé, ou malade, il sait que votre dernier copain, qui travaillait dans une firme d’aviation, vous a quitté le mois dernier pour une infirmière rousse du CLSC voisin… il connaît vos fantasmes homosexuels tout comme l’adresse de ce que vous considérez être le meilleur restaurant, le chanteur que vous aimez le plus et votre passage préféré de « Cinquante nuances de Grey ». Avez-vous pensez que s’il avait envie de vous séduire, vous lui auriez mis toutes les cartes en main?

Et si, au lieu de vous séduire, il choisissait plutôt de profiter de vous? De votre bonté? De votre générosité? S’il décidait de se faire passer pour vous pour obtenir des avantages qui, normalement, vous reviennent? Pire que tout, s’il utilisait tout ce que vous avez raconté sur vous, les vôtres et votre environnement, pour se rapprocher de vos enfants et, petit à petit, gagner leur confiance pour en abuser davantage? À votre insu, mais en se servant de toutes ces informations que vous lui avez fournies bien innocemment depuis que vous communiquez avec vos amies et vos amis Facebook… Et si?

Tiens, un frisson vient de vous traverser. Un doute aussi : et si votre plus vieille, qui est à l’ordinateur depuis deux heures déjà, était avec lui? Elle n’a que onze ans, mais vous la savez curieuse alors qu’elle ne se méfie de rien. Et si, demain, sa photo, un peu dénudée, prise par la webcam de votre portable que vous lui prêtez gentiment, se retrouvait sur plein de sites, à son insu, au vôtre surtout?

Bonne nuit sur Facebook, et à bientôt!

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Putain!

Rien à voir avec une œuvre de Nelly Arcan, mais beaucoup avec le dernier jugement de la Cour suprême du Canada. Inconstitutionnel que d’interdire de solliciter. Inconstitutionnelle aussi l’interdiction de tenir une maison de débauche. Inconstitutionnel également de sévir contre le proxénétisme. En soi, cela n’a rien d’étonnant. C’est un jugement tout à fait conforme à la Charte canadienne des droits et libertés – si chère tout d’un coup à Mme Mourani – et qu’on ne peut qu’applaudir tant il respecte l’esprit des lois qui ont édifié ce pays. Ce qui étonne davantage, ce sont les raisons qui ont mené ce dossier, simple à l’évidence, devant le plus haut tribunal du pays.

Étonnamment, la religion, encore une fois, y joue un rôle. Non pas l’islam ou le judaïsme, mais la religion de notre gouvernement fédéral : le protestantisme anglican d’abord – une Église dont le chef suprême n’est nulle autre que sa majesté Élizabeth II, reine d’Angleterre – et ensuite sa frange plus radicale, l’église presbytérienne orthodoxe en tête, où se retrouvent entre autre ces « Born Again Christians », grands défenseurs de théories aussi loufoques que le créationnisme, qui pullulent actuellement à la  Chambre des Communes.

Les dogmes religieux sur lesquels s’appuient les croyances d’une grande majorité de nos élus conservateurs à Ottawa s’inspirent de comportements remontant parfois au XVIIe siècle ainsi que sur une lecture primaire et une interprétation quasi littérale de la Bible. Les découvertes scientifiques sont subjuguées aux mythes religieux, et la raison cède souvent le pas à l’illumination mystique. Dans ce contexte, la femme est la propriété de l’homme qui a, sur elle, pleine autorité. Le rôle de la femme devient alors essentiellement biologique et ce sont ses fonctions reproductrices qui sont valorisées. On remet en question l’avortement qui annihile cette fonction reproductrice, et on bannit la prostitution qui, d’une certaine façon, permet à la femme de déterminer elle-même le rôle qu’elle accorde à son corps en plus de détourner les « honnêtes hommes » de leur devoir conjugal.

On a beau essayer d’argumenter que les lois qui interdisent la prostitution protègent d’abord les femmes, qu’elles empêchent les abus contre celles-ci, qu’elles mettent les mineures à l’abri du vice. On a beau tout tenter actuellement pour justifier qu’on vote rapidement d’autres lois qui contourneront ce jugement de la Cour suprême et criminaliseront à nouveau le «commerce de la chair », cette rhétorique ne tient pas et sonne faux d’un bout à l’autre. En fait, la seule véritable motivation de tous ces députés et ministres « bien-pensants » est de réguler, dans une perspective toute masculine, la manière dont les femmes peuvent disposer de leur corps. Pour empêcher le commerce avilissant des êtres humains, il y a déjà des lois. Pour sévir contre l’abus d’enfants, il y a également des lois. Pour punir l’esclavage aussi. Mais l’objectif n’est pas là. Ce que veut le gouvernement, c’est lutter contre le « péché » et encadrer le plaisir, surtout quand celui-ci est géré par des femmes qui se permettent souvent d’atteindre ainsi une plus grande autonomie.

Nous nous sommes donné des lois, au Canada comme au Québec, qui protègent adéquatement nos droits et libertés. Il est bon que des juges, confrontés à leur interprétation, n’aient pu faire autrement que de rappeler au gouvernement Harper que celui-ci ne pouvait, sans changements constitutionnels majeurs, aliéner ces droits.

Ça risque de parler fort dans les temples protestants au cours des prochains jours!

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Médias et corruption : collusion?

Rares sont les villes de 400 000 habitants et plus qui n’ont ni journal quotidien, ni poste de radio, ni station de télé. On chercherait partout qu’on aurait du mal à trouver. Mais il y a Laval. Et si on pousse vers le nord cet arrondissement de manière à couvrir vingt kilomètres, on sombre littéralement dans le tiers-monde de l’information. C’est une zone où habitent plus d’un million de personnes qui sont ainsi totalement dépourvues sur le plan médiatique. De Laval à St-Jérôme, de Deux-Montagnes à Terrebonne, rien d’autres que les feuilles de chou hebdomadaires, généralement de Québecor, totalement dépendantes des administrations locales et des chambres de commerce, dépourvues de vrais journalistes, et où les représentants qui vendent la publicité sont souvent les mêmes qui contrôlent la nouvelle. Ce n’est pas un hasard si les scandales politiques et administratifs de St-Jérôme, Boisbriand, Mascouche ou Laval ont pu couver, sans être dérangés, pendant toutes ces années. Plein de gens étaient au courant, mais les médias locaux ne s’en mêlaient pas tandis que les médias nationaux ne s’y intéressaient que de loin en loin, et plutôt peu que trop.

2013 était une année d’élections municipales au Québec. Des élections d’autant plus importantes qu’elles se déroulaient dans un contexte d’enquêtes pour débusquer fraudeurs et malfaiteurs dans l’espoir de freiner cette corruption qui gangrène nos administrations et paralyse notre évolution en tant que peuple. Les enjeux étaient considérables. On aurait pu croire que les médias étaient pour suivre adéquatement les candidats, analyser les programmes des équipes, publier des sondages. Mais non! On parlait des banlieues quand il y avait des arrestations de maires ou d’autres politiciens ou administrateurs corrompus, mais quasiment rien quant aux projets politiques qui s’amorçaient pour donner un nouveau souffle à ces villes. Rien non plus, à part quelques insignifiances, sur ceux qui se proposaient de défendre ces projets en se portant candidats à l’élection du 3 novembre. La Presse, Le Journal de Montréal, Le Devoir, Radio-Canada, TVA et la radio privée couvraient tout ce qui respirait politique à Montréal, mais rien, ou presque, sur ce qui se passait 200 mètres plus loin, de l’autre côté du pont.

Ce n’est pas pour rien que la vraie corruption, la vraie collusion, c’est dans les banlieues qu’on la retrouve.

De tout temps, le rêve du malfaiteur a été d’être près de l’action tout en étant à l’abri des regards. Où se cachent donc les mafieux, trafiquants et autres corrompus de notre belle société? À l’abri des médias, dans leurs somptueux bungalows de Ste-Dorothée ou de Duvernay à Laval, à Candiac, à Terrebonne, à Mascouche ou à Ste-Anne-des Plaines… Près de leur marché primaire, la grande ville, et loin de l’œil des caméras et des micros des journalistes. L’aristocratie criminelle a déserté Saraguay, St-Léonard et Rivière-des-Prairies pour se mettre à l’abri des médias. Il a suffi de traverser une rivière pour échapper aux regards. Une « disparition » qui bénéficie de toute la complaisance des médias, de toute la complicité des journalistes, soi-disant là pour nous informer.

On aurait pu espérer que le vent de pureté qui balaie le Québec depuis l’époque où Macleans nous qualifiait de province la plus corrompue au Canada atteigne aussi les médias, souvent notre seule source d’information qui nous permette de nous indigner et de réagir en conséquence, mais c’était nourrir trop d’espoir. La poussière retombe doucement sur les banlieues. Déjà les rumeurs courent à l’effet que la corruption se réorganise. Personne ne s’étonne plus que bien des fraudeurs allégués ou avoués, des voleurs et des organisateurs de stratagèmes malhonnêtes et illégaux soient encore en liberté, ne paraissant nullement ennuyés, leur réputation à peine entachée. En fait, personne n’en parle, faute d’information, faute des médias. Et personne ne suit plus qu’avant la politique locale, mère de tous les vices, puisqu’aucun média n’en parle. On attend sans doute la prochaine enquête publique et sa vague d’arrestation, dans vingt-cinq ans.

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Comment être à la fois héros et traître? Honnête et malhonnête? Bon citoyen et renégat? Il suffit d’être un citoyen des États-Unis d’Amérique.

La sentence est tombée il y a quelques heures : Bradley Manning purgera trente-cinq ans en prison. Le frêle jeune homme, aux antipodes du stéréotype de la brute militaire de nos voisins du sud, a été condamné pour avoir révélé à WikiLeaks, la firme de Julian Assange, des secrets militaires incluant, entre autre, la preuve que les États-Unis ont fréquemment passé outre aux lois internationales, dont la convention de Genève, qui régit les engagements armés et le traitement des populations civiles et des prisonniers de guerre. En fait, Manning est surtout condamné pour avoir dénoncé des actes illégaux commis impunément par son employeur, l’armée des États-Unis d’Amérique.

Quelques jours à peine avant que Manning ne reçoive sa sentence, un autre événement du même genre retenait l’attention. À l’aéroport international de Londres, David Miranda, citoyen du Brésil, était détenu pendant neuf heures par la police britannique en vertu de la loi antiterroriste. L’homme de vingt-huit ans qui ne parle pas couramment anglais n’a pas eu droit à un traducteur. Pas plus qu’à un avocat. Personne n’a été averti de sa détention, en parfaite contravention avec une des plus anciennes et fondamentales règles du droit – d’origine britannique soit dit en passant – l’Habeas Corpus. Que pouvait-on bien reprocher à Miranda? Il est le conjoint de Glenn Greenwald, journaliste au Guardian de Londres qui a divulgué dans ses textes des informations dérobées par l’Américain Edward Snowden à son employeur, la National Security Agency (NSA), démontrant que cette agence se livrait à l’espionnage systématique et illégal de citoyens américains tout autant que d’institutions et de pays amis (ONU, France, Allemagne, etc.). Répétons qu’il s’agit là de gestes illégaux. Aucune loi ni aucun décret n’autorise une agence américaine à se livrer à de telles actions, clairement interdites. Ayant dérobé à la NSA des fichiers incriminants qu’il a par la suite publiés en partie avec la complicité de journalistes dont Greenwald du Guardian, Snowden est aujourd’hui en fuite. Il a récemment demandé et obtenu l’asile politique en Russie pour se mettre à l’abri des poursuites et sanctions dont le menacent les États-Unis.

Dans leur propre pays, les cas du soldat Manning et du technicien Snowden soulèvent les passions. D’un côté, les faucons veulent leur peau, de l’autre, les colombes en font des héros. Il est important de savoir que les crimes qu’on leur reproche n’aurait jamais été aussi diffusés si ce n’était pas d’abord et avant tout la dénonciation d’actes illégaux, criminels et, dans certains cas, atroces commis en toute impunité par l’armée américaine ou des agences qui lui sont reliées. Des gestes interdits par la loi et fermement condamnés par toutes les cours des États-Unis. Ce qu’on fait Manning et Snowden, c’est d’agiter la sonnette d’alarme de manière à permettre au public de prendre connaissance du problème et d’agir en conséquence. Toutefois, pour y arriver ils ont dû détourner et voler des documents, puis en assurer la diffusion. On imagine, toutefois, mal comment ils auraient pu dénoncer les faits en agissant autrement. Vous voyez ces types se pointer devant leur supérieur en lui annonçant « J’ai vu que nous posions des gestes illégaux dans le cadre de nos fonctions, alors je vais dénoncer la chose publiquement, si vous n’y voyez pas d’objection. – non, je n’ai pas de documents qui prouvent ce que j’avance – non, je ne trahirai pas mon serment ou les autres termes de mon engagement… »? Ce ne serait pas très crédible. Ainsi, pour dénoncer les crimes importants qu’ils ont rendu publics, tant Snowden que Manning ont dû tricher un peu, abuser le système au sein duquel ils évoluaient. Autrement, ils n’auraient pu mettre les mains sur les preuves, nul ne les aurait crus et ils auraient fait face à tous les démentis officiels imaginables. En fait, on aurait sans doute un jour trouvé leur dépouille flottant sur le Potomac, victimes d’un acte désespéré dû à l’importante dépression dont ils souffraient et qui entraîne parfois des délires paranoïaques incontrôlés aux conséquences on ne peut plus tristes.

Alors que certains ont suggéré que Snowden reçoive le Prix Nobel de la Paix pour son geste, ces gens et leurs relations continuent d’être persécutés pour avoir dénoncé des crimes horribles et d’importantes atteintes aux droits des sociétés et des personnes. Manning vient d’écoper de 35 ans de prison, Snowden vit en exil, Assange est confiné dans une ambassade amie à Londres, impossible d’en sortir sans être arrêté par la police britannique puis extradé aux États-Unis où il risque une très longue peine de prison, Greenwald et son journal, The Guardian, sont persécutés par la police anglaise, et Miranda, le conjoint de Greenwald, est inquiété du simple fait qu’il est le « conjoint de ».

Après ça, vous irez raconter à vos enfants qu’il est important de toujours dire la vérité, de dénoncer ceux qui transgressent les lois pour agresser les autres et les priver de leurs libertés fondamentales. Allez leur dire qu’ils doivent être des citoyens modèles, respectueux des lois et des droits. Vous ne voulez quand même pas qu’ils finissent en prison ou bannis de leur pays pour le reste de leurs jours?!?

God Bless America!

Méline

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