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La relation

« Je suis en relation »… c’est la phrase qui signifie que je ne suis plus disponible, que ma vie est liée à celle d’une autre personne, et que je ne décide plus rien sans consulter « mon couple ». Étrangement, cela sonne à peu de chose près comme « je suis en religion », une phrase qu’on entendait à l’époque de nos parents, et qui voulait à peu près dire la même chose : je ne suis pas libre et je dois consulter « l’autre » avant de prendre quelle que décision que ce soit.

Avant, du temps de ma mère, les choses étaient simples : t’étais célibataire, mariée ou veuve, car, à part les ordres religieux, les choix étaient assez restreints. Mais aujourd’hui… T’es en couple ou non? Mariée? Dans une famille reconstituée? En couple avec une autre fille? Mariée ou en union libre? T’as un conjoint de fait? C’est vrai ou juste virtuel? Ouf! La liste des possibilités est assez longue pour qu’on puisse tenir une conversation conséquente juste sur ce sujet.

Avec la mondialisation, l’effritement des institutions, la remise en question de tous les tabous et l’avènement des réseaux sociaux, la notion de « relation » s’est élargie considérablement. Tenez, j’ai une amie qui est mariée à un homme qui n’est pas le père de ses enfants, et dont elle est toutefois séparée, car elle vit avec une autre femme dont elle est la conjointe de fait. Compliqué? Peut-être, mais assez représentatif de l’époque.

Ce qui a surtout changé, c’est la stabilité des relations. Avant, on se « mariait pour la vie ». Aujourd’hui, cette notion de durée dans le temps est constamment réévaluée, remise en question. C’est vrai qu’en 1850, quand l’espérance de vie d’une femme atteignait à peine 40 ans, le « mariage pour la vie » n’était pas un si grand engagement. Mariée à 25 ans, morte à 40, cela se limitait à tout juste quinze années de vie commune. Ensuite le type se remariait une seconde fois, et souvent une troisième. Et si la femme perdait son mari jeune, ce qui arrivait souvent, car la vie était pas mal plus dure et risquée qu’aujourd’hui, alors elle faisait la même chose.

Avec l’espérance de vie que nos systèmes de santé nous offrent aujourd’hui, on a toutes les chances de se rendre à 100 ans. Si on s’engage pour la vie à 25 ans, cela nous assure 75 ans de vie commune! Qui veut vivre ça? J’ai même cherché comment s’appelait un soixante-quinzième anniversaire de mariage et je n’ai trouvé que de rares listes qui parlent de « noces d’albâtre ». Y avez-vous déjà été invitées? Pas moi et, j’ai sondé le terrain, personne que je ne connais non plus!

Si on a le projet de vivre en relation, il vaut mieux faire en sorte que celle-ci puisse évoluer avec le temps. D’abord quelques années en couple homo ou hétéro, question de voyager, de voir du monde et de s’éclater, puis ensuite une relation stable avec un hétéro sympathique le temps de fonder une famille et de l’amener à l’adolescence, ce qui devrait prendre entre dix et quinze ans, puis une relation plus libre afin de goûter la vie et d’en profiter avant qu’il ne soit trop tard. Pour une relation de ce dernier type, mes amies me recommandent un partenaire plus jeune d’une dizaine d’années ou plus. Ils sont plus fougueux, moins sûrs d’eux et assez facile à contrôler.

Mais toutefois arrivée à un âge plus mûr, la relation avec un jeune tas de muscles sans rien dans la tête risque d’être décevante. Il faut donc terminer sa vie en couple qu’on forme à ce moment-là, et uniquement en s’appuyant sur nos affinités. Et bien choisir! Rien ne sert, en effet, de vivre sa cinquantaine avec un fou ou une folle des marathons si, moi, ce que je souhaite c’est voyager et visiter des musées! Puis enfin, pour les toutes dernières années, recherchons le calme et la sérénité avec une personne qui partagera avec nous ses beaux souvenirs tout en écoutant les nôtres auxquels elle s’intéressera, d’autant plus que, pour elle, ils seront tout nouveaux et originaux! … Que de belles relations il me reste à vivre.

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Putain!

Rien à voir avec une œuvre de Nelly Arcan, mais beaucoup avec le dernier jugement de la Cour suprême du Canada. Inconstitutionnel que d’interdire de solliciter. Inconstitutionnelle aussi l’interdiction de tenir une maison de débauche. Inconstitutionnel également de sévir contre le proxénétisme. En soi, cela n’a rien d’étonnant. C’est un jugement tout à fait conforme à la Charte canadienne des droits et libertés – si chère tout d’un coup à Mme Mourani – et qu’on ne peut qu’applaudir tant il respecte l’esprit des lois qui ont édifié ce pays. Ce qui étonne davantage, ce sont les raisons qui ont mené ce dossier, simple à l’évidence, devant le plus haut tribunal du pays.

Étonnamment, la religion, encore une fois, y joue un rôle. Non pas l’islam ou le judaïsme, mais la religion de notre gouvernement fédéral : le protestantisme anglican d’abord – une Église dont le chef suprême n’est nulle autre que sa majesté Élizabeth II, reine d’Angleterre – et ensuite sa frange plus radicale, l’église presbytérienne orthodoxe en tête, où se retrouvent entre autre ces « Born Again Christians », grands défenseurs de théories aussi loufoques que le créationnisme, qui pullulent actuellement à la  Chambre des Communes.

Les dogmes religieux sur lesquels s’appuient les croyances d’une grande majorité de nos élus conservateurs à Ottawa s’inspirent de comportements remontant parfois au XVIIe siècle ainsi que sur une lecture primaire et une interprétation quasi littérale de la Bible. Les découvertes scientifiques sont subjuguées aux mythes religieux, et la raison cède souvent le pas à l’illumination mystique. Dans ce contexte, la femme est la propriété de l’homme qui a, sur elle, pleine autorité. Le rôle de la femme devient alors essentiellement biologique et ce sont ses fonctions reproductrices qui sont valorisées. On remet en question l’avortement qui annihile cette fonction reproductrice, et on bannit la prostitution qui, d’une certaine façon, permet à la femme de déterminer elle-même le rôle qu’elle accorde à son corps en plus de détourner les « honnêtes hommes » de leur devoir conjugal.

On a beau essayer d’argumenter que les lois qui interdisent la prostitution protègent d’abord les femmes, qu’elles empêchent les abus contre celles-ci, qu’elles mettent les mineures à l’abri du vice. On a beau tout tenter actuellement pour justifier qu’on vote rapidement d’autres lois qui contourneront ce jugement de la Cour suprême et criminaliseront à nouveau le «commerce de la chair », cette rhétorique ne tient pas et sonne faux d’un bout à l’autre. En fait, la seule véritable motivation de tous ces députés et ministres « bien-pensants » est de réguler, dans une perspective toute masculine, la manière dont les femmes peuvent disposer de leur corps. Pour empêcher le commerce avilissant des êtres humains, il y a déjà des lois. Pour sévir contre l’abus d’enfants, il y a également des lois. Pour punir l’esclavage aussi. Mais l’objectif n’est pas là. Ce que veut le gouvernement, c’est lutter contre le « péché » et encadrer le plaisir, surtout quand celui-ci est géré par des femmes qui se permettent souvent d’atteindre ainsi une plus grande autonomie.

Nous nous sommes donné des lois, au Canada comme au Québec, qui protègent adéquatement nos droits et libertés. Il est bon que des juges, confrontés à leur interprétation, n’aient pu faire autrement que de rappeler au gouvernement Harper que celui-ci ne pouvait, sans changements constitutionnels majeurs, aliéner ces droits.

Ça risque de parler fort dans les temples protestants au cours des prochains jours!

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Perception

Question de valeurs

« Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas » (citation attribuée à André Malraux)

Je n’ai pas encore parlé de LA CHARTE. Je l’écris en majuscules parce que cela correspond à l’importance que le sujet a prise ici. Il s’agit, bien sûr, de ce qu’on a qualifié, selon le moment, de charte des valeurs québécoises ou de charte de la laïcité – le rapport entre les deux appellations  n’étant d’ailleurs pas évident. Mais en écrivant « LA CHARTE », je suis certaine d’être comprise.

Que d’encre elle a fait couler, que d’ondes elle a occupées, que de mots et de maux lui a-t-on associés… Elle n’était pas encore rédigée que déjà on lui attribuait les pires intentions, ou les meilleures : résurgence du nazisme pour les uns, calque de l’apartheid pour d’autres, panacée à l’harmonie sociale pour plusieurs. Tous les groupes de pression sont montés au front pour nous convaincre de la condamner ou d’y adhérer, selon leurs affiliations politiques, religieuses, ou politico-religieuses car, dans certains cas, les deux se confondent allègrement et honteusement.

Gardons d’abord à l’esprit que « LA CHARTE » n’est pas un projet religieux, mais un projet politique. Elle vise à assurer la laïcité de l’état québécois et la démonstration de ce fait dans les services offerts à la population : l’administration publique, la santé, l’éducation et la sécurité publique. Quand on entend des gens dire que « LA CHARTE » vise à restreindre les droits de pratique de certaines religions, on nage donc en plein délire paranoïaque. « LA CHARTE » n’interpelle même pas cette question. Rien, dans ce projet, n’interdit quoi que ce soit dans la vie privée ou dans l’espace public. Le port du kirpan, du crucifix, du tchador ou de la kippa reste tout à fait permis. En privé comme en public. Seule restriction amenée par « LA CHARTE » : sauf pour les employés de l’état dans l’exercice de leurs fonctions. Soulignons qu’aucune religion n’oblige, dans le cadre de sa pratique, le port de tels signes dans le contexte de l’exercice d’une profession. En quoi « LA CHARTE » brime-t-elle donc la liberté de religion? L’affirmer est aussi faux qu’exagéré.

On a dit des choses étonnantes dans le cadre du débat autour de « LA CHARTE ». On a, entre autre, affirmé que les signes et symboles religieux portés par des fonctionnaires n’avaient aucune influence. Voilà une affirmation qui vient annihiler en une courte phrase toutes les découvertes de la sémiologie depuis cent cinquante ans. Un signe signifie toujours quelque chose et communique toujours un message. Il a donc une influence. Plus ou moins importante selon le contexte, mais néanmoins toujours réelle. Prétendre le contraire est simplement faux. Ce n’est pas parce que le porteur du signe n’est pas conscient du message qu’il porte, ou encore qu’il ne lui accorde pas d’importance, que celui-ci n’existe pas, et encore moins qu’il soit anodin. Si on arrivait à être un peu moins individualiste, et si on arrivait à se placer dans un contexte davantage collectiviste, à l’instar de la société dans laquelle nous évoluons, on se rendrait rapidement compte que, si des signes semblent ne pas avoir d’effet sur nous, il peut en être bien autrement des gens autour de nous.

Imaginons le cas de la jeune fille de quinze ans qui, craignant une grossesse aussi involontaire que non désirée, va consulter toute craintive l’infirmière de sa polyvalente, une fonctionnaire de l’état qui l’accueille, crucifix au cou, avec des affiches de groupes pro-vie plein les murs de son bureau… La jeune fille se sent-elle à l’aise de s’ouvrir à elle? De lui parler de son envie d’avortement? Si ces signes n’ont pas d’importance pour l’infirmière, alors pourquoi tient-elle tant à les afficher? Et quel sera leur impact sur sa clientèle?

J’écoutais un groupe de gens de religion juive revendiquer le droit de porter la kippa au travail, en disant que cela n’avait aucune influence sur la qualité de leur prestation professionnelle. Comment réagiraient-ils si un préposé aux bénéficiaires de religion hindoue embauché par l’hôpital juif de Montréal décidait de porter au travail une croix gammée, signe religieux de son initiation à la doctrine védique? J’entends ici les cris d’horreur!

Autre chose troublante du débat sur « LA CHARTE », c’est sa polarisation en fonction du débat nationaliste-fédéraliste au Québec. Il est assez étonnant de voir que les défenseurs de « LA CHARTE », un projet du gouvernement péquiste de Mme Marois, appartiennent surtout à la mouvance indépendantiste, et que ses pourfendeurs se retrouvent presque essentiellement dans les factions fédéralistes du Québec, pour ne pas dire qu’ils habitent surtout l’ouest de Montréal. C’est curieux, et sans doute assez malsain. Quand on porte attention au débat, on se rend compte que ses opposants sont constamment alimentés par des appuis du R.O.C. (Rest of Canada). Des journaux reconnus pour leur position pro-fédération n’hésitent même pas à triturer la réalité avec des titres comme « 100 universitaires contre la charte des valeurs » (La Presse, 9 décembre 2013), en référence à une lettre signée par 112 professeurs et chercheurs de l’Université de Montréal, oubliant de mentionner que près de 6 000 autres ne l’ont pas signée! 112 sur près de 6 000, cela fait moins de 2 %, ce n’est pas une très forte mobilisation, contrairement à ce qu’aimerait sans doute laisser croire ce journal.

Je crois que « LA CHARTE » offre d’importantes qualités. A-t-elle des défauts? Peut-être, mais c’est en encourageant un débat sain sur ces questions qu’on arrivera à un libellé qui pourra faire consensus, sans être influencé par tous les prosélytes de ce monde. Mais c’est peut-être rêver en couleurs dans un Canada ou le simple fait de ne pas croire en un dieu, de ne pas avoir de religion, constitue un geste criminel. Heureusement, même si cette loi stupide existe encore, les tribunaux ont eu le bon sens de ne pas l’appliquer depuis 1926.

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